A l'occasion d'Octobre Rose, aufeminin.com se mobilise contre le cancer du sein, qui touche chaque année 53 000 femmes (selon l'Institut National du Cancer). En plus des actions de sensibilisation lancées et relayées sur le site, nous vous proposons chaque semaine des réponses. Des réponses aux questions que les femmes, qu'elles soient atteintes du cancer ou pas, se posent sur la maladie, ses conséquences, son pendant, son après... Ces questions, nous les avons posées à Carole Louvel, psychopraticienne et sexothérapeute qui a elle-même subi un cancer du sein il y a 8 ans. Elle aide aujourd'hui les femmes atteintes de cette maladie à en surmonter les répercussions dans leur vie personnelle, leur vie de couple et leur vie de famille. Elle anime également des ateliers pour aider ces femmes à se reconstruire après le cancer.
Quelle est la réaction des femmes à l'annonce de leur cancer ?
Les femmes reçoivent cette annonce comme un choc violent, elles voient un risque imminent, redoutent les changements qui vont forcément intervenir dans leur corps et affecter leur féminité.
En quoi le cancer du sein atteint-il la féminité ?
Le sein est l'organe externe symbole de la féminité. Il est dans l'inconscient collectif indissociable de l'image de la femme. Lorsque ce symbole est atteint c'est toute la représentation de celle-ci qui est touchée. Qu'on leur ait retiré leur tumeur ou leur sein les femmes peuvent se sentir atteintes dans leur féminité. Il n'y a heureusement rien de systématique, d'autres femmes se sentent moins affectées par l'atteinte de leur sein. Elles vivent leur féminité autrement, elles ont pu subir une ablation, ne pas souhaiter de reconstruction et bien le vivre.
Lorsqu'une femme ne se sent plus femme, cela a bien évidemment des répercussions sur sa confiance en elle, son estime d'elle, son bien-être personnel, mais également sur ses relations amoureuses, sexuelles et sociales. Même si la féminité ne recouvre pas que le physique, on ne peut nier son importance et malheureusement les traitements peuvent l'affecter de plusieurs façons.
Quelles peuvent-être les atteintes physiques provoquées par les traitements et sont-elles systématiques ?
Les traitements contre le cancer du sein ont plusieurs conséquences :
- Au niveau du sein tout d'abord. Il peut y avoir une ablation du sein atteint lorsque c'est nécessaire, ce n'est pas systématique, cela dépendra de chaque cas, tout est fait pour le préserver.
Lorsqu'il y a ablation, il est parfois possible de le reconstruire immédiatement ou bien quelques mois plus tard si la peau est trop abîmée.
- Au niveau des cheveux, cils et sourcils. Lorsqu'elles suivent une chimiothérapie les femmes perdent leurs cheveux, leurs cils et leurs sourcils dès les premières séances. Le traitement peut aussi avoir des répercussions sur la qualité de leurs ongles et de leur peau. Il n'y a pas de chimiothérapie systématique, cela dépendra aussi de chaque cas.
- Au niveau du poids. Les femmes sous chimiothérapie peuvent prendre du poids car le traitement contient de la cortisone et car il provoque une ménopause anticipée et provisoire (pour les femmes non ménopausées). Cette phase peut-être rallongée lorsqu'une hormonothérapie est suivie. A ces facteurs s'ajoutent souvent l'inactivité et un changement d'habitudes alimentaires. Certaines femmes vont au contraire perdre du poids car elles n'ont plus l'envie de manger à cause du goût métallique dans la bouche dû à la chimiothérapie ou parfois à cause d'une dépression.
Quelles sont les réactions des femmes et quels sont vos conseils pour gérer cette phase difficile ?
Les réactions sont très différentes d'une femme à l'autre. Pour certaines l'ablation de leur sein est dramatique et elles ont du mal à s'en remettre même si elles bénéficient d'une reconstruction immédiate. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les reconstructions immédiates ne sont pas toujours bien vécues . En effet, les patientes espèrent sortir de la salle d'opération telles qu'elles y sont entrées or il est rare qu'une reconstruction immédiate soit totalement satisfaisante. Il y a beaucoup de déceptions. Lorsque la reconstruction a lieu quelques mois après elles peuvent prendre conscience de la perte de leur sein et en faire le deuil. Elles peuvent alors envisager la reconstruction comme un vrai bénéfice. Même avec une tumorectomie, c'est à dire juste l'ablation de la tumeur, les femmes peuvent être choquées et mal le vivre. Elles peuvent avoir l'impression que leur sein est mort surtout quand il a subit des rayons ou le voir comme un danger de récidive. Lorsqu'une reconstruction est possible il est essentiel que les femmes se renseignent sur les conséquences de celle-ci (douleurs, sensations, esthétisme) afin de faire un choix conscient et respectueux de leur ressenti.
D'autres vivent très bien sans leur sein, elles l'assument et cela n'affecte ni leur image d'elles-même ni l'intimité de leur couple (nous y reviendrons dans une prochaine rubrique). Elles se disent qu'elles ne récupéreront pas leurs sensations, mais juste une forme et cela ne leur donne pas envie. Elles ne se sentent pas moins femmes sans un sein. Leur compagnon peut également contribuer à cette acceptation.
Et concernant la chimiothérapie ?
Certaines femmes appréhendent beaucoup plus la chimiothérapie que l'ablation. Pour d'autres, la chimiothérapie n'est pas trop mal vécue.
Etant donné que la chimiothérapie fait perdre les cheveux, il peut être conseillé aux patientes de se les couper très courts avant le début des séances pour éviter d'être trop choquées au moment de leur chute. Celle-ci intervient très vite et peut être impressionnante, il est important de s'y préparer et de se demander comment on veut la gérer… veut-on porter une perruque, un turban ou autre ? Tout est possible il suffit juste d'être en accord avec soi pour faciliter cette période délicate. Certaines femmes peuvent vivre cette phase de manière ludique en s'amusant à changer de tête. Elle n'est pas toujours vécue de manière dramatique surtout au début. Elle est plus difficilement vécue lorsqu'elle perdure dans le temps. A la perte des cheveux s'ajoute la perte des cils et des sourcils, autres attributs de la féminité. Le tatouage des sourcils peut aider à garder l'esthétisme de son visage.
Evidemment il y a aussi d'autres effets secondaires à la chimiothérapie telles que les nausées, la fatigue et la prise de poids qui seront différemment vécues en fonction de leur intensité. Les femmes peuvent limiter le risque de prise de poids en étant vigilantes sur leur alimentation si elles le désirent. Ce n'est pas toujours évident dans une phase délicate durant laquelle la nourriture peut être vécue comme un réconfort. C'est donc à chacune de juger ce qui est le mieux pour elle. En tout cas il n'y a pas de fatalité et s'il y a des kilos en trop ils pourront être perdus à l'issue du traitement.
Vers qui ces femmes peuvent-elles se tourner pour les aider à gérer cette atteinte à leur féminité et surmonter cette épreuve ?
Même si l'entourage peut être soutenant et essayer d'être compréhensif, il ne peut se mettre à la place des femmes concernées. Beaucoup se sentent seules face à la maladie, sont angoissées par rapport à l'avenir, ont honte de leur transformation physique, n'ont plus de désir sexuel, peuvent se sentir coupables et sous pression. Il est très important de se faire soutenir par un professionnel apte à entendre et à gérer leur souffrance, leur mal-être et leurs émotions qu'elles gardent trop souvent pour elles-mêmes et qui ne les aident ni dans leur combat contre la maladie, ni après dans la phase de reconstruction.
Retrouvez les conseils de Carole Louvel sur son site mieuxdansmavie.com
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